Texte de l’anarchiste Tasos Theofilou à propos de son procès (10 juin 2013)

1.

En septembre 2009 tombèrent les premières arrestations sous le prétexte de « démanteler » la CCF, inaugurant la méthode de pénalisation des relations personnelles entre anarchistes et distribuant les mandats d’arrêts comme des flyers. Une tactique voulue pour frapper non seulement la CCF mais aussi le mouvement anarchiste dans son ensemble. Fondamentalement, les mécanismes répressifs utiliseront cette organisation précise comme raison pour attaquer le mouvement anarchiste, y répandant la peur et l’insécurité.

En octobre de la même année le Ministère de l’Ordre Public sera renommé en Ministère de la Protection du Citoyen [1]. Un fait qui sera interprété avec gêne comme un mieux. Mais ce changement de nom n’arrive pas par hasard. C’est la période où la classe moyenne perd abruptement ses privilèges et droits : fondamentalement son statut de citoyen est réduit à celui de sujet. Le Ministère en question est maintenant responsable de protéger seulement une petite caste de dominants et capitalistes qui ne veulent pas abandonner leurs privilèges.

Dans les années qui suivent beaucoup de choses changent mais le plus important sera l’abandon complet du modèle Keynésien et la transformation du travail de droit en privilège. L’autorité du Capital n’est pas en position d’offrir le rêve de la classe moyenne mais seulement l’oppression. Les carottes ne réussissent plus à motiver et seul le fouet est en mesure de donner une solution.

Le déclenchement de la crise qui se préparait depuis la fin des années ’70 a mené les capitalistes, dans leur tentative de préserver leurs profits, aux tactiques d’accumulation primitive et de politiques colonialistes à l’intérieur même du monde occidental. Puisqu’ils ne peuvent faire de profits à travers le Saint Développement, ils conduisent au pillage. Ainsi, l’autorité du Capital se militarise. Le travail se militarise en enrôlant les travailleurs. La répression se militarise en utilisant les EKAM [2] pour des prétextes insignifiants. La justice se militarise, appliquant des lois spéciales pour les espaces politiques qui résistent.

Lois spéciales qui pour l’instant sont appliquées contre le mouvement anarchiste et le seront demain contre chaque variation brechtienne. Lois spéciales qui disent qu’il est suffisant pour un anarchiste d’être pris pour cible par la force anti-terroriste pour être classé dans des dossiers juridiques creux mais volumineux.

2.

Mes poursuites judiciaires se placent dans cette conjoncture politique. Des poursuites basées sur le statut d’un anarchiste et la tactique de pénalisation de ses relations personnelles et politiques.

D’un côté il y a des accusations, comme celle de la participation dans la CCF, qui sont basées sur ma relation personnelle avec le compagnon anarchiste et ami Kostas Sakkas. La partie intéressante  est qu’il nie aussi sa participation dans cette organisation-là. L’antiterrorisme me présente de plus, à tort, offrant des mesures de contre-surveillance à l’arrêt de bus d’Agrinio à un autre accusé dans la même affaire, qui, juste pour l’histoire, nie aussi sa participation à l’organisation. [3]

De l’autre côté, mes accusations concernent ma participation, dans l’imaginaire de l’antiterrorisme, au braquage de l’Alpha Bank de Paros et à la blessure mortelle d’un citoyen qui a tenté d’arrêter la fuite des braqueurs. Des accusations avec comme seule preuve un échantillon d’ADN pris sur un objet mobile (un chapeau) près de la banque, élément qui ne signifie en rien que j’étais présent lors du braquage et dont je conteste la validité de la procédure de prise et d’analyse de l’échantillon.

En conséquent, le 10 juin, je suis appelé à comparaître à la 3ème cour d’assise d’appel à trois membres et sans jury dans la rue Loukareos (à Athènes), accusé de participation à la CCF et en outre d’être complice, en tant que membre de cette organisation précise, dans le braquage de l’Alpha Bank de Paros. Accusations que je réfute depuis le début.

Aller contre de sévères accusations dans une mise en inculpation pleine d’invités de l’antiterrorisme sur mon train de vie et totalement vide, bien sûr, de toute preuve.

3.

Les procès ne sont pas des pièces de théâtre. Ils sont malgré tout des rituels où l’autorité du Capital remet en place ce qu’il définit comme la justice quand il estime qu’elle a été troublée. Rituels où les relations sociales sont cristallisées. Dans ce procès précis, le but est autant l’institutionnalisation de la pénalisation des espaces politiques et des luttes, que les relations personnelles des combattants sociaux. La stabilisation d’une situation où quiconque qui résistera sera pour l’autorité responsable non seulement de son identité de résistant mais aussi de toutes les facettes de sa vie sociale. Ou alors la stabilisation d’une situation où si quelqu’un est anarchiste, cela suffit de lui-même pour être une preuve de culpabilité…

Tout ce qui restera est que chaque amitié entre anarchistes sera caractérisé comme participation et intégration dans une organisation terroriste.

Sources :

http://astop.espivblogs.net/

http://actforfree.nostate.net/?p=14480

[1] Équivalent du ministère de l’intérieur en France.

[2] Forces spéciales de la police grecque.

[3] Dans les recherches des flics pour prouver que Tasos faisait bien parti des braqueurs de l’île de Paros et qu’il est membre de la Conspiration des Cellules de Feu, se trouvent des procès-verbaux de surveillances et filatures de membres présumés de la Conspiration, entre autre d’une rencontre à l’arrêt de bus d’Agrinio le 30 novembre 2011. Il y est écrit que Tasos a rencontré un autre membre de l’organisation puis a fait le guetteur en marchant dans les environs le temps que ce dernier prenne un taxi. Bien sûr, ceci est la version des flics et des juges (qui ont donné les PV aux médias) et n’est donc absolument pas à prendre comme vérité. Le fait est que Tasos Theofilou a toujours nié avoir fait parti de la Conspiration des Cellules de Feu.

Le procès de Tasos Theofilou a été reporté au 11 novembre 2013. La décision a été prise par les 3 membres de la cour d’assises en appel après une demande posée par les avocats de la défense Spiros Fitrakis et Anni Paparousou, tandis que le procureur était aussi pour ce report.

La présence des flics à l’extérieur de la cour était forte et, pour la première fois, des contrôles d’identité ont été effectué sur ceux qui entraient. C’était vraiment un spectacle destiné à terrifier les gens présents mais par la suite les contrôles ont été arrêté et les compagnons venus en solidarité entraient et sortaient sans aucun problème.